Franck Ferrand : « Être républicain, qu’est-ce que ça veut dire ? »

franck ferrand

FIGAROVOX – HISTOIRE – Chroniqueur, Franck Ferrand éclaire l’actualité. Cette semaine, il s’interroge sur l’omniprésence du mot « républicain » dans le discours politique.

Journaliste, écrivain et conférencier, Franck Ferrand consacre sa vie à l’Histoire. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Le dictionnaire amoureux de Versailles (Plon, 2013). Ce surdoué anime Au coeur de l’Histoire chaque jour sur Europe 1 et L’Ombre d’un doute chaque mois sur France 3 en première partie de soirée.

C’est le mot à la mode: dans les médias, ces temps-ci, les bonnes choses sont qualifiées de «républicaines», les mauvaises, d’«antirépublicaines». «C’était un grand républicain», proclame ainsi – parmi cent exemples – un communiqué de l’Elysée, publié à l’occasion de la mort de Maurice Faure.

Mais de quoi parle-t-on, au juste ?

Quelqu’un pourrait-il m’expliquer en quoi le fait d’être «républicain» ou «républicaine» constituerait, en soi, un brevet de vertu ?

castabe-26-liberte republicaineDéjà, cela supposerait qu’on définisse clairement la notion, d’autant plus répandue qu’elle est complexe à cerner. Aux Etats-Unis, être Républicain traduit une appartenance politique. En Espagne, dans les années 1930, cela relevait d’un engagement fort. Mais en France, de nos jours, que signifie ce terme, si crânement revendiqué par le premier venu? Rien, ou pas grand-chose – n’en déplaise aux tribuns, aux éditorialistes, aux analystes qui, à tous vents, en usent et en abusent.

Qu’on permette à l’historien de souligner, pour commencer, que la forme républicaine d’un gouvernement n’a jamais garanti son caractère démocratique.

Même de nos jours, une république n’est pas forcément une démocratie: la dictature en vigueur à Pékin porte le nom de «République populaire de Chine» ; or, l’idée ne viendrait à personne de louer ses mœurs politiques! Le chef de l’Etat y est désigné à huis clos par le Parti, et s’il existe bien un parlement élu, celui-ci ne se réunit qu’une fois l’an et ne dispose d’aucun pouvoir concret… A l’inverse, une démocratie n’est pas obligatoirement une république: le Royaume-Uni sans doute est la plus emblématique des vieilles démocraties ; or son régime est bel et bien monarchique, même si la reine n’y détient de pouvoir qu’honorifique, et si son premier ministre est issu d’un parlement élu au suffrage universel direct.

J’irais jusqu’à rappeler que, selon un classement international établi en décembre 2013 par l’association autrichienne The Democracy Ranking en fonction du plus ou moins grand respect des droits humains au sein de 115 Etats souverains, les deux premiers (la Norvège et la Suède) sont des monarchies, et les deux derniers (le Yémen et la Syrie), des républiques ! Que, dans les vingt «meilleurs élèves», onze relèvent d’un roi, d’une reine ou d’un empereur, alors que dix-huit des vingt plus mauvais affichent hautement leur dénomination républicaine – la France elle-même ne venant du reste qu’à la seizième place…

Allons-nous cesser pour autant d’entendre notre personnel politique employer, à l’envi, le terme «républicain» en lieu et place de «démocrate», «pluraliste», «équitable» ou simplement «respectueux des institutions» ? Je crains que non, hélas, tant le suivisme et la facilité se sont depuis longtemps imposés dans ses rangs.

3 commentaires :

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  3. Je crois qu’il faut aller plus loin et partir de la distinction faite par Aristote puis développée par Saint thomas d’Aquin dans ‘le pouvoir royal » encore édité ou d’occasion à la librairie du dauphin entre monarchie fondée sur la morale,l’aristocratie sur la justice distributive,la démocratie sur la liberté pour concevoir un régime mixte mais hiérarchisée du plus englobant ,la monarchie et la morale puis l’aristocratie et la justice distributrice et la démocratie et la liberté.En inversant l’ordre des choses,on établit le cahos et l’on arrive à la tyrannie ou à l’oligarchie,formes excessives et peu durables sauf utilisation de la violence permanente et l’instabilité.
    « Le miracle capétien »selon le titre d’un ouvrage de Stéphane Rials a pu durer huit siècles sans changement de dynastie parce que justement il était le meilleur régime mixte bien hiérarchisé ayant existé en Europe et meme depuis l’apparition du genre humain d’où ses prodigieux succès.Mais les circonstances ont changé sans pour autant modifier sur le fond l’immuable dimension naturelle politique de ce meme genre humain.Pou r parvenir à une meilleure adaptation de ces grands principes et réalités,il faut faire appel à l’intelligence et ses deux ailes,la gauche tournée vers le passé par la mémoire,la droite tournée vers l’avenir par l’imagination;alors le lys ardent pourra enfin reprendre son vol stoppé par la très grande violence de la soi-disant révolution française qui a abouti comme il se devait au cahos puis à la tyrannie et c’est ce que Maurras du fait de son paganisme et donc de son immoralisme a échoué à faire pour se réfugier sous les ailes du Maréchal gaga selon l’expression d’Arthur Koestler.Tout est donc à la fois à refaire mais aussi à réenraciner dans ses sources vitales.C’est ce à quoi je m’emploie:brandenburg.olivier@orange.fr;réfléxions bienvenues!

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